La division Corteco donne une nouvelle orientation au segment des pièces de rechange pour les garages et ateliers de réparation indépendants, ce que l’on appelle l’Independent Aftermarket (IAM). SEALING WORLD s’est entretenu avec Dr Christian Dickopf, Senior Vice President Corteco, sur les garants du succès, les objectifs et les perspectives d’avenir.

Dr. Christian Dickopf
Senior Vice President Corteco
Monsieur Dr Dickopf, Corteco se développe très bien, vous êtes en expansion. Quelles sont les raisons de cette évolution ?
La division Corteco se distingue par des affaires stables, profitables, peu soumises à des cycles. Les clients nous considèrent aujourd’hui comme le spécialiste de l’aftermarket de l’ensemble du Groupe Freudenberg, puisque nous proposons également, outre des joints, des produits de Vibracoustic ou de Freudenberg Filtration Technologies. Ce portefeuille étendu est sans nul doute l’une des raisons de notre succès. Une autre raison est le haut niveau de disponibilité que nous offrons à nos clients. Grâce à notre organisation décentralisée, nous sommes rapides et proches du client. Ceci est particulièrement pertinent pour les petites et moyennes entreprises qui ne peuvent faire des stocks importants. Un facteur majeur est la qualité de nos produits, nous nous définissons par le haut niveau de qualité de notre offre. Freudenberg et NOK sont eux-mêmes des fabricants, nos produits sont de même qualité contrôlée que pour l’équipement premier. Le segment des pièces de rechange grouille de ce que l’on appelle des repackers, qui achètent des pièces n’importe où et se contentent de les réemballer. Nous nous distinguons nettement de ceux-ci en matière de qualité.
Corteco veut mettre le cap sur la croissance. Quels sont vos objectifs concrets ?
Nous suivons trois stratégies de croissance parallèles qui se complètent. Nous voulons d’une part grandir dans les segments de marchés que nous connaissons déjà, avec des produits que nous connaissons déjà. Ceci implique aussi une extension géographique de nos affaires. Nous voulons, au cours des années à venir, renforcer notre position sur le marché en particulier en Asie du Sud-Est et en Europe de l’Est. Il y a en Europe de l’Est de nombreux véhicules relativement anciens, et donc beaucoup de réparations. Nous y rencontrons déjà un marché de véhicules chinois d’exportation à moteur à combustion classique – mais sans toutefois d’infrastructure établie pour les réparations et les pièces de rechange correspondantes, et nous pouvons donc commencer à nous occuper du véhicule ici lorsqu’il est encore relativement neuf. Notre nouvel entrepôt en Turquie, notre nouveau bureau commercial en Serbie avec le marketing local sur place, un formateur technique supplémentaire en Pologne, marché très important pour nous, du personnel supplémentaire en Asie du Sud-Est – ce sont là autant de signes tangibles de notre croissance. À moyen terme, c’est-à-dire non pas dans la période stratégique actuelle, mais dans celle qui suivra, nous voulons également nous occuper plus intensément des pays africains très peuplés. Nous avons déjà des clients dans certaines parties de l’Afrique, mais il y a encore des marchés à exploiter en particulier au sud du Sahara. Mais une chose après l’autre, nous ne pouvons pas tout faire à la fois.
Quelle est votre deuxième démarche stratégique ?
Nous voulons introduire dans les segments de marché que nous connaissons bien de nouveaux produits et de nouveaux services : par exemple les accumulateurs hydrauliques, un produit bien établi de FST, mais que, chez Corteco, nous ne vendons pratiquement pas jusque-là. Nous allons changer cela et les proposerons désormais sous nos deux marques, Corteco et TransTec. Le Lead Center de FST à Remagen a même élaboré une solution de réparation des accumulateurs exclusivement pour le segment des pièces de rechange. C’est une première chez FST.
Donc un tout nouveau service … En avez-vous d’autres ?
Oui : à Milan, aux É.-U., nous avons mis en place un service de réparation pour les directions assistées électriques. Nous remplaçons par exemple, dans les modules défaillants, les micro-puces, nous réinstallons le logiciel, ou nous fabriquons de nouvelles pièces du boîtier à l’aide d’imprimantes 3D et nous remplaçons ainsi la pièce défectueuse. Ces aptitudes dans le domaine des composants électroniques, dont nous apportons la preuve avec les directions assistées, pourront être exploitées à l’avenir pour de nombreuses autres applications ; aujourd’hui, les fonctions et les pièces électriques sont partout dans le véhicule. Réparer au lieu de jeter : c’est une démarche durable – et, de plus, économique pour nos clients.
Portez-vous votre regard également au-delà du segment traditionnel des pièces de rechange pour les véhicules particuliers ?
Absolument. C’est le troisième pilier de notre stratégie de croissance. Nous voulons vendre dans des segments de marché nouveaux supplémentaires les produits que nous connaissons déjà. Nous visons ici en particulier le segment Heavy Duty.
Qu’entendez-vous par Heavy Duty ?
Il s’agit là traditionnellement des poids lourds, des bus, des engins de construction et des machines agricoles. Ceux-ci sont soumis à des sollicitations particulièrement importantes, et, en conséquence, les exigences de qualité adressées aux pièces de rechange sont très élevées. Ici, un joint de quelques euros protège des véhicules utilitaires coûteux, d’une valeur de 10.000 fois plus grande. La maintenance et les réparations devraient se faire sans compromis. Corteco vend ici une technologie de série qui a fait ses preuves et a été soumise à des tests sévères et complets.
À quelles applications pensez-vous encore ?
Nous notons déjà de premiers succès – principalement aux É.-U. – avec des pièces de rechange pour les motos, ainsi que – en Europe surtout – des pièces de rechange pour la suspension des V.T.T. Nous nous penchons en ce moment aussi sur les bateaux de petite taille et les yachts, segment que FST appelle « Recreational Marine ». Leurs moteurs aussi doivent être régulièrement maintenus et réparés.
Parlons d’efficience. Que fait Corteco en ce sens ?
Chez nous, les commandes arrivent comme ça : « J’ai besoin de joints pour le x dans une Golf 5 de 2008. » Au contraire d’autres secteurs, le client n’indique ni les dimensions ni le matériau du joint, ni l’article dont il a besoin, mais l’application. Mais nous, il nous faut savoir immédiatement de quel joint il s’agit, de quel filtre, de quel palier, et savoir lequel de nos produits est adapté. Aussi, la gestion des données est extrêmement importante. Nous devons maîtriser des quantités de données énormes, sinon nous ne pouvons pas faire d’affaires. C’est notre Category Management qui s’en occupe. Ce que nous faisons aujourd’hui encore par des fichiers Excel sera assumé prochainement par un système de gestion des informations produits professionnel. Dans l’ensemble, l’informatique et le Supply Chain Management nous offrent de nombreux points de départ pour parvenir à des processus plus légers, plus rapides et plus sûrs. Nous sommes ici sur la bonne voie.
Parlons de durabilité. Quel rôle joue-t-elle dans l’IAM ?
Actuellement, nous n’avons que peu de clients qui attachent de l’importance à ce sujet. Nous y veillons malgré tout, de nous-mêmes. Lorsque nous utilisons moins de plastique dans nos emballages, lorsque nous économisons du papier dans les bureaux, lorsque nous misons sur une technique économisant de l’énergie, lorsque nous produisons de l’électricité verte par nos propres installations photovoltaïques ou lorsque nous utilisons des moyens de transport écologiques, nous prenons soin de l’environnement. En même temps, notre démarche est efficiente et nous réduisons nos frais.
Parlons de la transformation du secteur automobile. Que signifie l’électrification pour Corteco ?
Le secteur des pièces de rechange n’est concerné qu’avec un certain décalage dans le temps, c’est-à-dire quelques années plus tard que l’équipement premier. Nous pensons aujourd’hui que ce ne sera vraiment pertinent, pour les pièces de rechange pour les véhicules électriques destinées aux garages indépendants, qu’à partir de 2030. Mais nous nous penchons bien entendu dès aujourd’hui sur ce sujet.
Les affaires traditionnelles vont s’effondrer, mais pour le marché du réapprovisionnement, ce sera probablement plus tard et de manière moins abrupte que pour l’équipement premier. Les moteurs à combustion qui roulent aujourd’hui auront vraisemblablement besoin de pièces de rechange pendant des dizaines d’années encore. Parallèlement, les filtres, les pièces pour les directions ou les ressorts pneumatiques resteront pertinents dans les véhicules électriques ou deviendront même plus pertinents encore.
L’objectif de notre stratégie est dès aujourd’hui de nous positionner plus largement. Les poids lourds, les engins de chantiers et les machines agricoles ou les bateaux par exemple auront sans doute plus longtemps des moteurs à combustion que les véhicules particuliers. Mais de nombreuses questions persistent. À quoi ressemblera l’Aftermarket ? Quelles seront les réparations à faire dans les véhicules électriques et par qui ? Les chaînes d’approvisionnement des garages indépendants seront-elles les mêmes qu’aujourd’hui ? Certains de nos fournisseurs vont-ils se retirer complètement du marché ? Dans notre gestion des risques et notre projet « Ready for Future », nous nous penchons intensément sur ces questions et nous développons les solutions adaptées.


Dr. Christian Dickopf
« J’ai su dès le début de mes études comment je voulais organiser ma carrière : faire des études de gestion en Allemagne et à l’étranger, passer mon doctorat, commencer à travailler dans le conseil en entreprise, puis de là, passer dans une entreprise industrielle comme assistant de direction », déclare Dr Christian Dickopf. Et c’est avec cette cohérence qu’il a abordé son parcours professionnel.
En 2009, Christian Dickopf entre chez Freudenberg Sealing Technologies (FST) dans la fonction d’assistant du comité de direction, dans laquelle il s’occupe principalement, pendant deux ans, de questions de stratégie et de distribution. Depuis, il a assumé chez FST des missions de gestion diverses : chez Freudenberg Process Seals et Dichtomatik (qui font aujourd’hui partie de la division Industrial Services, ISD); en tant que directeur du Lead Center Fluid Power Industry à Schwalmstadt avec ses partenaires de production à Troy et Chennai ; au canal de distribution de General Industry (GI) dès le départ en Suisse, puis plus tard aux É.-U. – où il fut entre autres Regional Manager GI pour l’Amérique du Nord. Depuis deux ans, Christian Dickopf est responsable mondial de Corteco. Son bureau est au site Corteco de Milan, dans l’État américain de l’Ohio.